04 - AMSTERDAM (Jacques Brel)

 

Dans le port d’Amsterdam y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent au large d’Amsterdam
Dans le port d’Amsterdam y a des marins qui dorment
Comme des oriflammes le long des berges mornes
Dans le port d’Amsterdam y a des marins qui meurent
Pleins de bière et de drames aux premières lueurs
Mais dans le port d’Amsterdam y a des marins qui naissent
Dans la chaleur épaisse des langueurs océanes
 
 Dans le port d’Amsterdam y a des marins qui mangent
 Sur des nappes trop blanches des poissons ruisselants
 Ils vous montrent les dents à croquer la fortune
 À décroisser la lune à bouffer des haubans
 Et çà sent la morue jusque dans le cœur des frites
 Que leurs grosses mains invitent à revenir en plus
 Puis se lèvent en riant dans un bruit de tempête
 Referment leur braguette et sortent en rotant
 
Dans le port d’Amsterdam y a des marins qui dansent
 En se frottant la panse sur la panse des femmes
 Et ils tournent et ils dansent comme des soleils crachés
 Dans le son déchiré d’un accordéon rance
 Ils se tordent le coup pour mieux s’entendre rire
 Jusqu’à ce que tout-à-coup l’accordéon expire
 Alors le geste grave alors le regard fier
 Ils ramènent leur Batave jusqu’en pleine lumière
 
 Dans le port d’Amsterdam y a des marins qui boivent
 Et qui boivent et reboivent et qui reboivent encore
 Ils boivent à la santé des putains d’Amsterdam
 De Hambourg ou d’ailleurs enfin ils boivent aux dames
 Qui leur donnent leurs jolis corps qui leur donnent leurs vertus
 Pour une pièce en or et quand ils ont bien bu
 Se plantent le nez au ciel se mouchent dans les étoiles

Et ils pissent comme je pleure sur les femmes infidèles
 Dans le port d’Amsterdam, dans le port d’Amsterdam